Pollution des cours d’eau en RDC : le désastre environnemental et humain

Écrit par MABAYA Lembo, Géographe, membre du réseau des jeunes chercheurs en sciences du territoires ( RAJeC Ster) et chez Rê-Naissance Magazine
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Pollution des cours d’eau en RDC : le désastre environnemental et humain
En plein cœur du continent africain, la République Démocratique du Congo est confrontée à une pollution de ses eaux due à l'activité minière. Plusieurs chercheurs congolais expriment leurs inquiétudes quant à une possible contamination des nappes phréatiques pour de nombreuses années.
De nombreuses régions sont affectées par la pollution des eaux du Congo. Selon des chercheurs congolais, cette pollution touche également le fleuve Congo ainsi que les rivières Kasaï et Tshikapa. Ils signalent aussi la contamination des cours d'eau du grand Katanga, notamment la rivière Kampemba, Kalemba, Tshituta, Katapula, Kalenge, Kabansamba, Kyabange, Kalweji, Kamakanda, Kelangile et Kaluwe, ainsi que le lac Songwe-jiba et le fleuve Lualaba.
Lors de son intervention sur RFI pour discuter de la pollution environnementale en RDC, l'hydrologue Raphaël Tshimanga, directeur du Centre de recherche en ressources en eau du bassin du Congo (CRREBaC), avait déjà lancé une alerte.“ Sur le plan environnemental, nous voyons qu’il y a déjà des conséquences sur la biodiversité. Et là, nous sommes en train de craindre que les polluants puissent entrer dans la chaîne trophique, et cela va demeurer et continuer à avoir des effets sur la santé de la population, mais aussi sur la santé de la faune, de la flore, etc…”
En mars 2024, le RAID a publié un article intitulé : « New report exposes the environmental and human costs of DRC’s cobalt boom ». Dans cet article, les auteurs mettent en lumière et détaillent les conditions de vie des habitants du grand Katanga autour des mines industrielles, en particulier concernant les questions liées à l'eau et la santé des femmes.
Cet article montre comment les Congolais subissent la pollution de l'eau, aggravant leur maladie et leur pauvreté, et réfute complètement les prétentions des entreprises occidentales concernant l'énergie propre.
La contamination des eaux au Congo entraîne des effets sur le plan socio-économique des régions affectées. Ce sont des communautés qui, pour la majorité, dépendent uniquement de ces rivières pour satisfaire leurs besoins fondamentaux.
Origine de la pollution des cours d’eau en RDC
Selon les autorités congolaises, la contamination des rivières au centre du pays serait due à l'importante mine de Catoca en Angola. Effectivement, cette mine aurait signalé aux autorités angolaises un incident lié au système d'évacuation de ses bassins de rejet. Business & Human Rights Resource Centre nous informe qu'il s'agit spécifiquement d'une « fuite sur une des conduites » des résidus de l'extraction du diamant, détectée le 24 juillet 2021 par l'entreprise minière angolaise.
Les responsables congolais ont été alertés par la découverte d'un alliage nommé ferrosilicium dans la rivière Tshikapa, qui prend sa source en Angola avant de se déverser dans la rivière Kasaï plus au nord.
C'est dans ce contexte de crise que les habitants congolais prennent conscience de l'étendue du désastre, tant sur le plan écologique qu'humain.
Dans la zone de la province du grand Katanga, selon une étude menée par le RAID et AFREWATCH, les utilisateurs interrogés affirment que la pollution toxique nuit à leur santé et a un impact dévastateur sur les écosystèmes environnants et l'agriculture. Les habitants de la région ont signalé un manque d'eau potable pour la consommation, et encore plus pour l'hygiène et le nettoyage personnel, les contraignant à recourir à de l'eau polluée pour leurs activités quotidiennes.
Pour saisir cela, faisons un retour en arrière dans le temps. Quand le Congo a été colonisé par la Belgique, l'Union Minière du Haut Katanga représentait une entité autonome qui exploitait les mines et réalisait des activités d'industries de transformation de minerais tels que le cuivre, le cobalt, l'uranium et le zinc.
Après l'indépendance du pays, l'Union minière du Haut Katanga a été nationalisée et rebaptisée Gecamines. Depuis le début des années 2000, plusieurs pays tels que la Chine, l'Inde, les États-Unis, le Canada et l'Australie ont commencé à exploiter le cuivre dans la région; Entre-temps, une prolifération de mines artisanales a eu lieu et l'extraction du cobalt a été multiplié ce qui a en résulte une hausse de l’exploitation de ce métal, ce qui en fait la ressource la plus exploitée selon le rapport Digging in corruption de 2006.
Dans son étude de 2014, le professeur Banza Célestin, dans « Sustainability of Artisanal Mining of Cobalt in DRC », révèle que les résidents de Kolwezi, en particulier à Kasulo, sur le site d'extraction minière, ont découvert un hétérogénite (un minerai de cobalt noir) en creusant une maison. Cette découverte a entraîné une prolifération des mineurs artisanaux. De nombreux secteurs ont été visés par les mineurs artisanaux dans le but de rechercher des hétérogénites.
Plus de 60% des réserves de cobalt proviennent du Congo, et 20% sont extraits par des mineurs artisanaux; voir le récit documentaire « République Démocratique du Cobalt ».
En présence de désastres humains et environnementaux, comme la contamination des rivières, quels sont les impacts de l'exploitation minière sur la santé des résidents et des habitants en général dans les zones souillées ?
En raison d'une exploitation minière intensive dans les territoires congolais a forte exploitation minière, la population se trouve inondée de pollution selon le RAID dans son article publié en 2024. Selon les témoignages de la population, « la pollution impacte la santé gynécologique et reproductive des femmes et des jeunes filles, provoquant des irrégularités menstruelles, des infections urogénitales, une augmentation des fausses couches et, dans certaines situations, des anomalies congénitales ». Ce phénomène persiste car il semble également que de plus en plus de jeunes filles et d'adolescentes sont affectées.
Les chercheurs congolais tirent la sonnette d'alarme concernant les rivières Kasaï et Tshikapa, situées au cœur du pays. Ils signalent une décoloration inquiétante de leurs eaux et un dépérissement des écosystèmes, incluant le décès d'hippopotames. La peur des chercheurs congolais est justifiée, car dans la province du Haut-Lomami, au sein du territoire de Malemba-Nkulu, plus précisément dans le village de Katondo, une société chinoise, spécifiquement une laverie chinoise, a déversé directement des déchets toxiques dans les rivières Kaluwe, le lac Songwe-Jiba et le fleuve Lualaba.
Les rejets continus et à grande échelle de polluants dans la région ont un impact considérable sur les zones de reproduction des poissons, où ils se reproduisent. Cette perturbation impacte également les aquifères et prive par conséquent les communautés locales d'approvisionnement en eau potable. Tout comme sur les terres des rivières Kasaï et Tshikapa, la disparition accélérée de la biodiversité aquatique aggrave la situation sanitaire des populations et leur plonge davantage dans la pauvreté. On a signalé des cas de diarrhée et de décès suite à l'ingestion d'eaux contaminées.
Existe-t-il des conséquences indirectes associées à la pollution de l'eau ou à toute autre forme de pollution ?
Pour les communautés vivant près des sites miniers, des impacts indirects notables existent. En effet, l'activité minière engendre une diversité dans les méthodes de culture. De nombreux produits alimentaires qui étaient cultivés dans la province du grand Katanga ne peuvent plus l'être à cause de la pollution des cours d’eau, et les habitants se tournent vers la Zambie pour leur subsistance. Un souci de sécurité alimentaire émerge dans cette région.
D'après l'enquête du RAID, presque tous (99 %) ont affirmé que la pollution de l'eau a drastiquement diminué les rendements agricoles et des champs, ce qui a un effet majeur sur les revenus des habitants. De plus, 59 % des individus sondés ont affirmé qu'ils avaient diminué leur apport alimentaire à une seule prise par jour.
Les effets de l'exploitation minière se font également sentir à travers une augmentation de la criminalité et de la corruption dans les zones minières du grand Katanga, étant donné que les milieux miniers sont rarement pacifiques entre eux. De plus, on observe des risques liés à la pollution atmosphérique et environnementale, la disparition d'espèces de poissons et de végétaux ainsi que la contamination des sols.
De même, on évalue le risque de contaminations humaines, notamment par les métaux lourds présents dans le sang et les urines auxquels les individus sont exposés. Les habitants du grand Katanga sont exposés à la pollution, en particulier due au cobalt et à d'autres métaux lourds.
Cela est apparent chez les résidents, car 59 % d'entre eux affirment avoir désinscrit leurs enfants de l'école faute de ressources financières, tandis que 75 % ont admis ne plus être en mesure d'accéder à des soins médicaux ou à des médicaments. Tous les individus sondés imputent la diminution de leur qualité de vie à l'essor récent de l'exploitation minière du cobalt qui a un impact considérable dans leur vie quotidienne, rapporte l’étude du RAID et AFREWATCH.
Les répercussions sur la santé publique !
Les analyses d'urine effectuées sur des individus vivant à proximité d'une mine sont les plus révélatrices, car elles montrent une concentration supérieure en cobalt, avec 53% dépassant le seuil de 15ug/g. Pour une population normale, la limite standard se fixe à 10ug/g. Pour résumer, les individus vivant à proximité des mines présentent une concentration plus élevée de cobalt, de cuivre et d'uranium dans leurs urines comparativement à ceux qui résident plus loin. Les enfants affichent les chiffres les plus élevés.
D'après RAID et AFREWATCH, l'étude indique que la région de production de cobalt et de cuivre en RDC semble se métamorphoser en 'zone d'abandon'. Un terme utilisé par les spécialistes des Nations unies pour décrire des régions où les habitants sont confrontés à d'importants problèmes de santé et à des atteintes aux droits humains du fait qu'ils résident dans des zones fortement polluées.
Les témoignages des communautés locales sont corroborés par les recherches scientifiques, avec au moins 22 études démontrant que les rivières, lacs, ruisseaux et zones humides de la région subissent une pollution majeure due aux opérations d'extraction. Les entreprises elles-mêmes, à travers leurs rapports et évaluations analysés par RAID et AFREWATCH, mettent en évidence les risques environnementaux ainsi que les effets potentiels sur la santé humaine découlant de l'extraction industrielle du cobalt.
Par conséquent, le lavage des minerais dans les eaux polluées entraîne une contamination de ces dernières, qui seront par la suite consommées par les populations.
Comme conséquence sur l’état de santé de la population, nous pouvons noter, qu’il existe un risque élevé de malformations congénitales (absence de nez, œil dévié, etc.). On compte également les accidents, les troubles musculo-squelettiques, les variations de température corporelle, les problèmes liés aux pneumocoques, et ainsi de suite.
Comment les polluants pénètrent-ils dans l'organisme humain ?
Cela se produit par le biais de l'air, de la poussière, de l'eau (qui abritent des poisons), de la nourriture (les potagers des résidents) et les niveaux de cobalt par exemple sont élevés. La pollution due aux particules est particulièrement élevée en raison du manque de routes en béton et en pierre. Au Grand Katanga, la majorité des routes sont non pavées, ce qui explique la concentration élevée de cobalt parmi les habitants.
Les résidents locaux sont fortement inquiets de ces catastrophes humaines et environnementales. En effet, l'examen juridique révèle qu'au moins trois cas ont été portés devant les tribunaux locaux à Kolwezi et Lubumbashi en relation avec la contamination de l'eau. De plus, au moins sept autres réclamations formelles ont été initiées par les citoyens auprès des sociétés ou des organismes gouvernementaux.
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Légende : Photo prise par EMMET LIVINGSTONE/AFP « Des femmes lavent des minerais dans la mine artisanale de cuivre et de cobalt de Kamilombe, près de la ville de Kolwezi, dans le Sud est de la RDC 20/06/2023
Quelles sont les solutions ?
Selon le principe du « pollueur-payeur », qui stipule que ceux qui causent une pollution environnementale doivent assumer les coûts associés et verser des compensations, il incombe aux autorités de ces entreprises polluantes d'établir les responsabilités et de veiller à ce que les sociétés concernées s'acquittent de leurs obligations financières.
Il est aussi indispensable, du côté des autorités congolaises, d'orienter les travailleurs œuvrant dans les zones minières vers l'agro-pastoralisme, notamment via l'agriculture. En effet, ces individus ont abandonné les modes de vie axés sur la production agricole au profit de l'exploitation minière. En outre, ces jeunes contribuaient financièrement à leurs études ou apportaient un soutien à leur famille par le biais de leur travail artisanal.
Par conséquent, l'État congolais devrait investir et mettre l'accent sur un exemple de province tel que le Haut Lomami, dans le but d'impulser une révolution agricole dans cette zone. Car c'est une région qui est faiblement touchée par la pollution due à l'exploitation minière.
Le gouvernement congolais doit garantir l'équilibre de son environnement en s'appuyant sur la vision civilisationnelle de ses peuples qui le constituent.
Par ailleurs, l'État congolais doit effectuer des études sur l'impact de l'exploitation minière sur la santé des communautés et l'environnement.
Bibliographie :
A Report by Global Witness July 2006 “ reliefweb.int
Brieuc Debontridder Octobre 2022 récit documentaire “ République démocratique du Cobalt” Business & human rights resource centre 2021 “ www.business-humanrights.org
Célestin Banza Septembre 2018 «pmc.ncbi.nlm.nih.gov »
Justin MALUNDAMA MBONGO avril 2022 “ www.jac.cerdacc.uha.fr
RAID et AFREWATCH March 2024 “ raid-uk.org
Écrit par MABAYA Lembo
Géographe, membre du réseau des jeunes chercheurs en sciences du territoires ( RAJeC Ster) et chez Rê-Naissance Magazine

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