RDC : les ONG réclament justice et réparations pour les pygmées et autres survivants lors du procès de Roger Lumbala à Paris

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RDC : les ONG réclament justice et réparations pour les pygmées et autres survivants lors du procès de Roger Lumbala à Paris
Au procès de Roger Lumbala, plusieurs ONG des droits humains ont réclamé justice et réparations pour les survivants, notamment pour les communautés pygmées victimes des combattants de l’ancien rebelle congolais
Le procès de Roger Lumbala se déroule à la Cour d’assises de Paris du 12 novembre 2025 au 19 décembre.Roger Lumbala, 67 ans, ancien chef de rebelle était dirigeant du RCD-National (Rassemblement congolais pour la démocratie). Il a également été ministre du Commerce de 2003 à 2005.
Les troupes du RCD-N de Roger Lumbala avec le soutien de l’Ouganda et celles du MLC de Jean-Pierre Bemba ont mené plusieurs attaques contre des civils. L’opération menée à Beni était appelée « Effacer le tableau ». Elle a duré d’octobre à décembre 2002. Les zones attaquées étaient l’Ituri et le Haut-Uélé. L’objectif de cette opération était la possession des richesses naturelles.
Des rapports de l’ONU ont décrit la violence inouïe commises par ces rebelles : « exécutions sommaires, viols systématiques de jeunes filles, esclavage, torture visant particulièrement les populations Batwa et Nande. » (source RFI)

Depuis l’ouverture du procès, le 12 novembre, M. Lumbala a décidé de ne plus y assister. Il a commencé une grève de la faim estimant que la justice française n’est pas légitime et souhaitant être jugé en République démocratique du Congo.
Ce que l’on a pu retenir de ce lundi après-midi au procès de Roger Lumbala :
Les avocats généraux et le procureur ont posé plusieurs questions à Hélène de Balzac, analyste senior chez la CFJ, Fondation Clooney pour la Justice cfj.org
Plusieurs documents ont été consultés pour mettre en lumière le mode opératoire du contrôle des mines, la taxation, les monopoles commerciaux, la contrebande transfrontalière vers l’Ouganda…
L’analyste a indiqué que la zone de Mambasa en Ituri est connue pour son l’exploitation de l’or ainsi que la province de Haut-Huele et Epulu. Durant ce procès, il a été rappelé que les stratégies des Etats étaient de passer par des chefs rebelles pour acquérir l’or. Des comptoirs seraient aussi tenus par des libanais. Les documents datés de 2001-2002 et retraçaient les exploitations illégales des groupes armés.
Le viol utilisé comme arme de guerre
Deux missions ont été effectuées par la CFJ. L’une plus généraliste en juin 2021 et l’autre en juin 2022 axée sur les violences sexuelles.
Le constat était le suivant : les victimes de violences sexuelles ont augmenté. 12 témoignages ont pu être recueillis.

Les victimes refusent parfois de parler par peur de représailles et d’être stigmatisées dans leur village. Le viol engendre du rejet de la part des communautés. Face à ces questions sur le viol, le travail colossal du prix Nobel de la paix, Docteur Denis Mukwege a été évoqué par le procureur. Le chirurgien appelé « l’homme qui répare les femmes » a soigné plus de 80 000 survivantes dans son hôpital à Panzi. Le procureur a ensuite interrogé Hélène de Balzac pour savoir si ce dernier avait pu se rendre en Ituri pour soigner des vicitmes. Hélène de Balzac a répondu que son hôpital était basé au Sud Kivu.

La voix des survivants

Le professeur Serge Ngabu Kilo, directeur des affaires juridiques de l’ONG Ligue pour la paix, les droits de l’homme et la justice (LIPADHOJ), s’est constitué partie civile et figurait parmi les témoins. La structure a récolté une cinquantaine de témoignages mais seulement trois témoins seront entendues à Paris.

Depuis 2002, la LIPADHOJ porte la voix des victimes en plein coeur du conflit en Ituri. Pour lui, il est important que les victimes obtiennent enfin réparation car les preuves s’amenuisent et certains tendent à disparaître. Dans ce dossier, le gouvernement congolais n’a pas entamé de démarche pour écouter les victimes malgré les éléments du Rapport Mapping de l’ONU, qui retrace les violations les plus graves des droits humains et du droit international humanitaire commises en République démocratique du Congo (RDC) entre mars 1993 et juin 2003.

Le professeur de droit déplore les menaces adressées aux victimes et témoins pour qu’elles gardent silence. Ces derniers sont prêts à risquer leur vie pour témoigner mais une protection doit leur être garantie.
Concernant le fait que le procès se déroule à Kinshasa, il revient sur l’importance d’avoir un procès équitable. « Tshisekedi lui-même a dit que notre justice est malade. Le problème est que les anciens chefs rebelles sont au pouvoir en RDC » a rappelé le directeur des affaires des juridiques.
Notre entretien audio avec Monsieur Ngabu Kilo à écouter sur ce lien:


Briser l’invisibilisation des pygmées :
La structure Minority Rights Group (MGR) représentée par Madame Thomas qui faisait partie des témoins est revenue sur les témoignages des Batwa, Bambuti ou pygmées. Ces communautés sont stigmatisées et dépossédées de leurs terres qui constituent leur lieu de vie. Les structures MGR et PAP RDC portent donc les voix de ces communautés. Pour elles, ce procès est l’occasion que les voix des victimes soient entendues car ces derniers bénéficient de très peu de soutien. Dans la vie politique, elles sont minoritaires voire inexistante. Selon MGR, en 2004, les pygmées ont été la cible de plusieurs exactions du RCD-N, groupe de Roger Lumbala.

L’ONG a expliqué que les pygmées ont été visés car ils ont une très bonne maitrise des forêts. Des femmes pygmées ont été violées car les agresseurs estimaient que cet acte était porteur de vertus thérapeutiques tout comme le cannibalisme.

D’autres ONG comme le Club des amis du droit du Congo, Justice Plus ont également apporté différents témoignages. Plus de vingt après les faits, les victimes attendent encore justice soit rendue. Ce procès pourrait donc enfin apporter une réponse et permettre à ce que d’autres criminels de guerre soient enfin, eux aussi, tenus responsables de leurs crimes.


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