CELEBRATION DU 319 ÈME ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE MAMA KIMPA VITA : LA PROPHETESSE ET LA RESISTANTE KONGO HEROÏQUE

Mama Kimpa Vita est une prophétesse et résistante kongo héroïque qui a vécu pendant le 17 ème siècle et le début du 18 ème au sein du Royaume Kongo. Sa mission était de réunifier le Royaume Kongo qui était alors fragmenté à cause de plusieurs facteurs internes et externes qui ont déstabilisé l’unité politique du royaume.
Elle a marqué son époque par ses accomplissements et elle est une véritable héroïne de l’histoire du Kongo et du peuple noir plus généralement.
Cependant, elle reste méconnue par la majorité des Kongolais et du peuple noir plus généralement.

Je vais donc essayer de répondre à plusieurs questions dans cet article qui sont les suivantes : Qui est Mama Kimpa Vita ? Comment a-t-elle débuté sa mission divine ? Quelle était son message ? Quelles conséquences son message a eues ? Pourquoi c’est une véritable héroïne ?

Dans cet article je vais commencer par parler en premier lieu de la jeunesse de Mama Kimpa Vita, ensuite de comment elle a commencé sa mission et de son message, puis de son arrestation et enfin de ce qu’elle a prophétisé pour le Kongo.

Mama Kimpa Vita est née en 1684 dans le village Montagnes de Kibangu au nord du Royaume Kongo. Issue d’une famille noble, elle reçoit une éducation chrétienne : le Royaume Kongo est alors partiellement christianisé (depuis les missions portugaises du XVe siècle). Son père l’avait inscrite à la société spirituelle Kimpasi mais sa mère qui était endoctrinée par les capucins (moines catholiques appartenant à un ordre religieux appelé Ordre des Frères mineurs capucins, une branche réformée des Franciscains) notamment les pères Luca da Caltaniseta et Marcellino d’Atri considéraient Kimpasi comme étant une
société secrète de sorcellerie, va l’inscrire chez les catholiques.
En 1704, Mama Apolonia Mafuta qui était une prophétesse et qui possédait une école désaliénation a rencontré Mama Kimpa Vita qui est par la suite devenue une élève de cette école. Mama Apolonia Mafuta était très populaire, elle rassemblait les foules (plus de 30 000 personnes) et faisait des miracles.

En 1704, Mama Kimpa Vita (qui avait alors 20 ans) tomba malade (forte fièvre jaune) et elle mourut. Ensuite, il y eut une convocation spirituelle. Le Père créateur convoqua les Longo (Saints) et pendant 3 jours Mama Kimpa Vita fut formée et ensuite elle revint à la vie.

Puis, elle alla parler à ses parents et elle leur dit ceci : « Papa, maman, Nzambi Mpungu Tulendo 1 a pris possession de mon corps. J’ai reçu pour mission de prêcher la vraie religion Ne-Kongo ». Mama Kimpa Vita tomba ensuite enceinte et elle partit en kikumbi. 2 Par la suite, elle commença à prêcher et elle drainait un nombre important d’adeptes : 80 000.

« Kiadi, kiadi 3 ! Miséricorde, miséricorde ! Malheur à toi, ô Kongo. Terre de nos ancêtres. Tu as délaissé Nzambi A Mpungu 4 . Tu as de l’adoration pour les idoles étrangères. Malheur à toi, tu as abandonné ton créateur pour t’aliéner aux dieux d’outre-mer à trois personnes. Ô Kongo, ô Kongo. Le siège, le Trône sacré de Dieu vivant. Terre sainte promise, souillée et avilie. Kongo, ô Kongo. Terre qui a donné la semence de l’homme. Toi qui as vu naître sur ton sol l’Enfant Roi, Sauveur du monde. Ton peuple, par tes rois, se donne à l’idolâtrie immonde.

Je monterai, oui, je monterai vers le mont Kibangu pour que Kimbangu vienne. J’irai, oui,

j’irai parler à Ne Agua ne Mpanzu a Nzinga. Je l’enjoindrai au nom de Nzambi A Mpungu.

Oui, Ndompetelo descendra pour régner à Mbanza Kongo. Ô Mbanza Kongo, la glorieuse cité des Rois. Le cœur du Royaume céleste des anges. C’est là que je dois me tenir envers et contre tout. D’un coin à l’autre de cette terre sacrée Kongo, vénérée de Nzambi A Mpungu Dezo. En son nom, je me dresserai contre les tempêtes de mer. Ô Mbanza Nkongo ! Eh vous, Besi Kongo ! Venez, mes frères, mes sœurs, vous tous Fils du Glorieux et vaillant Kongo. Ce radieux pays béni de Dieu est à nous. Nzambi A Mpungu a promis cette terre à Nous ses élus.

Venez tous m’y joindre pour le défendre. Ô Mbanza Kongo ! Je vous le dis, ô mes enfants.

C’est ici la cité des rois. Bethléem où va naître l’Enfant Roi, notre Sauveur. La seule demeure de Nzambi A Mpungu ici-bas. Le jardin sacré où Dieu posa son premier pas. C’est ici que Dieu ramassa l’argile pétrie pour la création de l’homme de ses propres mains. Oui, je monterai au sommet Kibangu où Ndompetelo est maintenu prisonnier par ces prêtres. Je le délivrerai de la pénitence de ces moines qui empêchent le Royaume d’avoir son Roi. Ces Nkadia Mpemba 5 qui divisent les Besikongo qui leur fournissent les bâtons à feu pour s’entretuer, qui favorisent le commefce des Besikongo vers Mputu 6 , qui les jettent dans les eaux tumultueuses de Kalunga 7 . Leurs petits corps meurtris des morsures de poissons. Ils les balancent comme un fagot de bois. Oui, Ndompetelo, je te persuaderai de descendre de KIbangu. Les Besikongo t’attendent comme leur unique roi. Ils te reconnaissent et te veulent comme seul Roi de Kongo. Tu trôneras au Lumbu royal de Mbanza Kongo. Nous chasserons des terres des ancêtres tous les pères, tous ces prêtres qui ne disent pas la vérité et blasphèment Nzambi A Mpungu. Kiadi, kiadi ! Malheur à toi, ô peuple Ne-Kongo ! Debout et marchons ensemble. Libérer l’Ame du Royaume des magies de simputu. Nous brûlerons tous les fétiches, tous les crucifix des capucins. ET Mbanza Kongo tu vivras. Nous retrouverons l’âme des ancêtres. Nous te libérerons de toutes les idolâtries. Ta lumière rayonnera à nouveau à travers l’Univers. Et seuls les Besikongo, tes enfants, te reconstruiront. Oui, nous te relèverons de toutes ces ruines, des cendres. Oui, nous panserons tes plaies. Du nord au sud, de l’est à l’ouest. Nous rétablirons l’unité des terres de nos aïeux. Nous laverons le sang de tes fils qui jonche ton sol. Tes fils essuieront les larmes de tes joues. Ils sortiront ton visage fané du creux de tes mains. Nous retrouverons la face cachée de Nzambi A Mpungu ».

Le 5 Mai 1706, le directeur du cabinet royal, le capucin Bernardo da Gallo, organise une assemblée spécifique dans son grand domaine de plusieurs hectares. Autour de la table se retrouvent, le conseiller du roi le père capucin Lorenzo da Luca, le juge Vuzia A Nkanu, le secrétaire royal Miguel de Castro, les pères Luca da Caltaniseta et Marcellino d’Atri.

Voici ci-après leurs échanges :

« Bonne transition, en parlant du Christ, il y en a une, on ne sait pas d’où elle sort qui menace notre Christ, que fait-on ? » demande le père Bernardo da Gallo.
« Vous parlez de Kimpa Vita, n’est-ce pas ? » clarifie le père Luca da Caltaniseta.
« Reconnaissons tous qu’elle menace notre stabilité et nos intérêts » relève Lorenzo da Luca.
« Aussi notre religion » renchérit Marcellino d’Atri.
« Aussi notre Dieu » renchérit le père Luca da Caltaniseta.
« Aussi, notre pouvoir » dit le juge Miguel de Castro.
« De surcroît, elle mobilise du monde, beaucoup des Kongo se rallient à sa folie, croient à ses mensonges et la vénèrent » fait remarquer le père Luca de Caltaniseta.
« Justement le danger est là ! Elle est vénérée, les gens rentrent en transe pour elle ! » rapporte le père Marcellino d’Atri.
« Lorenzo da Luca et moi, en avons parlé au roi » dit Bernardo da Costa.
« Alors ! Que décide-t-il ? » demande le père Luca da Caltaniseta.
« Vous connaissez les Noirs avec leur sagesse ! Il y a déjà deux, trois semaines que nous en parlons, Monsieur réfléchit toujours et ne se presse pas de dégager une solution » répond Bernardo da Gallo.
« Ils sont quand même spéciaux, ces gens-là ! » dit le père Marcellino d’Atri.
« Qui donc ? » demande le Juge Miguel de Castro, un peu perdu.
« Les Noirs justement ! Ces être-là sont quand même inquiétants ! La maison brûle et le sage réfléchit » répond le père Marcellino d’Atri.

« C’est de la sagesse, que veux-tu ! La sagesse dit qu’il ne faut pas réagir à chaud ! Enfin, entre sagesse et nonchalance la marge est bien étroite chez les Noirs » renchérit ironiquement le père Lorenzo da Luca. Il se tourne vers Bernardo da Gallo : « Alors, que faisons-nous ? Nous ne pouvons pas attendre».
« Bonne réflexion ! Nous devons accompagner le roi à Mbanza Kongo pour l’y installer, arrêter Kimpa Vita et la juger. Qu’en pensez-vous ? » propose le père Bernardo da Gallo.
« Arrêter Kimpa Vita, mais c’est nous faire attirer toutes les foudres des fous agités, des malades hystériques qui sont avec elle » riposte le père Marcellino d’Atri.
« De toutes les façons pour arrêter quelqu’un, il faut bien qu’il y ait un mobile ! » fait observer le juge Miguel de Castro.
« Le mobile est clair : blasphème, hérésie, que sais-je d’autre, de toutes les façons, il faut la mettre hors d’état de nuire » persuade le père Bernardo da Gallo.
« Blasphème sur quoi ? Sur qui ? » demande le juge Miguel de Castro, stupéfait.
« Sur Dieu bien sûr, sur Jésus, sur Marie, vous connaissez ce qu’elle dit sur eux, n’est-ce pas ? » rétorque le père Bernardo da Gallo haussant le ton et cachant mal une certaine contrariété.
« Elle dit que Dieu, Marie et Jésus sont noirs ! ET alors ! Ce n’est pas un crime que je sache » dit le Juge Miguel de Castro.
« Comment ! Tu trouves que ce n’est pas un crime ! Bon soit, mais c’est bien du blasphème !
A votre avis, Dieu est-il noir ? Ne regarde pas le problème en tant que juriste mais comme un chrétien ! » gronde Bernardo da Gallo.
« Personne ne peut démontrer que Dieu est une réalité palpable, qu’il n’est pas noir, ni basané, ni métis, que sais-je ! D’autant plus, lorsqu’elle parle de Dieu, elle fait allusion à Nzambi Ya Mpungu » rétorque le juge.
« Bien que catholique, je suis de l’avis du juge, comment en fait démontrer concrètement que Dieu n’est pas noir ! A bien réfléchir, qui nous dit qu’elle parle du même dieu que nous ! » renchérit le père Lorenzo da Luca.
« Lorenzo ! Vous changez de camp ? »
« Quelle idée ! Croyez-vous qu’une différence existe-t-elle entre vous et moi à leurs yeux ! Nous sommes ici pour chercher la meilleure des solutions. Nous devons tout prévoir sachant que nous avons pour premier devoir d’éviter que notre agissement à l’égard de Kimpa Vita contribue à faire naître une révolte hystérique généralisée des fanatiques ».
« Dans ce cas, éliminons en priorité les responsables kongo, ceux qui sont susceptibles de soulever les foules à défaut de les baptiser de nouveau. Avant, il aurait suffi de christianiser, de baptiser le chef pour que le bas-peuple s’y soumette, mais maintenant avec cette hérétique, nous n’avons qu’une unique solution : éliminer toutes les têtes fêlées kongo qui se veulent porte-parole de Kimpa Vita et sa religion » propose le père Bernardo da Gallo avant de poursuivre sans attendre la réponse d ces interlocuteurs.
« Trêve de parole ! Tous les Kongo qui nous servent doivent être mobilisés et préparés pour nous accompagner demain à Mbanza Kongo avec le roi. Nous nous retrouverons d’ici-là au
Palais royal ».
« D’ici là ! Ce n’est pas trop juste ? » riposte le père Marcellino d’Atri.
« Nous n’avons pas le choix, si nous voulons surprendre les Kongo à Mbanza Kongo. Il faut se dire que nous avons au moins deux jours pour y être. Si nous nous laissons du temps, il peut y avoir des fuites et nous risquerons d’être accueillis par une farouche résistance ».
« Dans ce cas, dès que nous serons rentrés, nous organiserons les troupes pour venir directement au palais » rassure le père Marcellino d’Atri.
Bernardo da Gallo, Lorenzo da Luca et Miguel de Castro décidèrent de rentrer après la table au palais pour y passer la nuit et être prêts le lendemain.

Ensuite Bernardo da Gallo, Lorenzo da Luca et Miguel de Castro allèrent parler au Roi Pedro 4 pour le convaincre d’arrêter Kimpa Vita. Vous pouvez retrouver leurs échanges avec le roi dans le livre de Henri Pemot qui s’intitule « Kimpa Vita, une résistante kongo » aux pages 89 à 92.
Les missionnaires capucins trouvèrent Kimpa Vita (plus de détails aux pages 93 à 104 dans le livre d’Henri Pemot que j’ai cité ci-haut) et lui dirent : « Mais n’as-tu pas dit que tu es illuminée et que tu reçois tes enseignements par le Dieu Tout-Puissant ? Tu te disais pure mais d’où te vient cet enfant ? »
Mama Kimpa Vita répondit : « Cet enfant je l’ai eu de la même manière que la Vierge Marie ». Les missionnaires dirent N’importe quoi ! L’enfant du Saint Esprit n’existe pas ».
Alors Mama Kimpa Vita, entourée de 80 000 fidèles dit : « Les avez-vous entendus ? »
Les missionnaires venaient d’affirmer que l’histoire de la Vierge Marie n’était qu’un mensonge. Elle commença par la suite à les invectiver. Les missionnaires partirent et portèrent plainte en déclarant que Mama Kimpa Vita troublait l’ordre public. C’était le 1 er Juillet 1706. Elle fut arrêtée ce même jour et maltraitée. Les missionnaires lui dirent que son matricule d’esclave était : Dona 8 Béatrice. Les missionnaires lui dirent après : « Retourne voir tes fidèles et tu leur dis que lorsque tu étais morte, la fièvre jaune que tu avais eue c’était des hallucinations et tu auras la vie sauve ». Mais Mama Kimpa Vita refusa et fut frappée. Le
lendemain matin (le 2 Juillet 1706) les missionnaires lui donnèrent une dernière chance en lui disant d’aller dire à ses fidèles que Jésus est le seul sauveur. Mais Mama Kimpa Vita dit :
« Je préfère mourir avec ma vérité ». Lorsque les missionnaires entendirent cela, ils dirent :
« Ok. Comme tu veux mourir, tu seras servie ». Ils prirent Mama Kimpa Vita et l’emmenèrent pour aller la tuer.

Un jeune Mulaza prit Mama Kimpa Vita sur ordre des missionnaires. Elle supplia ce jeune de la libérer mais il refusa et la gifla. Elle dit ensuite : « Laisse les missionnaires faire ce qu’ils veulent faire ». Le jeune Mulaza attacha par la suite Mama Kimpa Vita à un arbre et pris du bois pour la brûler. Lorsque le jeune était sur le point de la brûler, Mama Kimpa Vita dit :
« Voici cet enfant. Il n’a rien fait. Prenez le car il ne vous a rien fait ». Mais le jeune rétorqua :
« L’enfant d’un serpent reste un serpent ». Le jeune alluma donc le feu.
Mama Kimpa Vita dit :
« Voici cet enfant aujourd’hui son nom est : Nkembo Dia Nzenza 9 . Mais sachez que demain il reviendra avec le nom de Kimbangu et c’est lui qui libérera le Kongo, l’Afrique et le peuple noir du monde entier. Il mettra fin à la barbarie de l’homme étranger sur les terres du Kongo et de l’Afrique, et à l’humiliation que subit l’homme noir depuis les temps les plus reculés.
Mais entre-temps les Kongo, emmenés de force dans des pays lointains, tenus par des fers, s’élèveront comme un seul être pour conquérir leur liberté, la liberté de l’être Kongo ».
Après que Mama Kimpa Vita et son enfant furent brûlés, une grande étoile apparut dans le ciel.

Maintenant vous savez qui est Mama Kimpa Vita et pourquoi c’est une véritable héroïne.
Au peuple kongo, aux africains et au peuple noir plus généralement de s’inspirer du combat de Mama Kimpa Vita pour le poursuivre et mettre une bonne fois pour toutes fin à l’asservissement de l’homme noir.

Mots numérotés :

1 Nzambi Mpungu Tulendo (du Kikongo) signifie : Dieu Tout-Puissant
2 Kikumbi veut dire : Se recueillir spirituellement
3 Kiadi (du Kikongo) signifie : « Que c’est triste, malheureux »
4 Nzambi A Mpungu (du Kikongo) signifie : Dieu
5 Nkadia Mpemba signifie : sorciers, satanistes
6 Mputu (du Kikongo) veut dire : Occident
7 Kalunga veut dire : étendue infinie d’eaux, l’océan
8 Dona (du Portugais) signifie : femme
9 Nkembo Dia Nzenza (du Kikongo), en Lingala « Esengo ya ba paya » veut dire : La joie pour les étrangers

- Livre d’Henri Pemot : « Kimpa Vita, une résistante kongo »
- Enseignement sur la spiritualité de VUVAMU qui signifie : Vutuka Vana Mpamba
Uvidila (Kikongo) = Ko zongela esika to bungela (Lingala) = Retourner où nous nous sommes perdus ou égarés

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