Procès Roger Lumbala : crimes contre l’humanité, mémoire des victimes et lutte contre l’impunité en RDC
SLK NewsMédia

Depuis le 12 novembre, se tient à Paris, le procès de l’ancien chef rebelle congolais Roger Lumbala, accusé de complicité de crimes contre l’humanité dans le Nord-Kivu et en Ituri dans l’est de la RDC en 2002-2003. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict sera rendu lundi 15 décembre.
Au cours des audiences, nous avons également pu échanger avec plusieurs victimes de « l’opération Effacer le tableau », menée par le groupe armée RCD-N de Roger Lumbala avec l’appui de l’Ouganda et de Jean-Pierre Bemba, président du parti MLC et actuel ministre des Transports.
Au micro de SLK News, l’une des victimes de cette guerre en Ituri répond à nos questions sur son ressenti plus de 20 ans après les faits et quelles sont ses attentes ? Pour lui, c’est encourageant de voir que « des seigneurs de guerre qui avaient l’habitude de commettre des crimes puissent enfin répondre de leurs actes."
Le 11 décembre, Maître Henri Thulliez, l’un des avocats des parties civiles a débuté son propos par cette célèbre citation de l'ancien chef d'Etat congolais Mobutu : « comprenez mon émotion » en référence aux preuves, à la responsabilité factuelle et juridique de Roger Lumbala et l’opération sanguinaire « Effacer le tableau ».
Il a rappelé que le fil conducteur de ce procès est avant tout la mémoire de toutes les victimes : mes femmes violées sous les yeux de leurs familles et des civils, ces femmes réduites en esclavage sexuel ; celle des congolais victimes de « pillage massif et systématique »… Mais c’est aussi le fil conducteur de la solidarité envers toutes les victimes qui se sentent enfin « prises au sérieux et considérées » a-t-il rappelé.

Vingt ans plus tard, ce procès a mis en lumière la déshumanisation extrême subie par le peuple congolais.
Des fillettes de onze ans ont été violées aux côtés de leurs mères devant leur père, leur oncle, leurs bébés, leurs enfants et des civils. L’une des femmes est même décédée suite à cette agression. Ces dernières n’avaient que de l’eau chaude pour se soigner après de telles séquelles. Des femmes enceintes dont une d’environ huit mois a également été violée à plusieurs reprises. Des violences sexuelles perpétuées pour détruire le tissu social et semer la terreur au sein des villages. De nombreuses femmes ont été abandonnées par leur mari après ces agressions sexuelles. Le viol utilisé comme arme de guerre est un fléau dans les zones de conflit armé.
Les débats ont également révélé l’extermination ciblée contre les populations de l’ethnie Nande. Certains ont dû nier leur appartenance ethnique pour conserver la vie. Les pygmées appelés aussi Bambuti ont été aussi victimes de cette barbarie. Les femmes ont également été violées en précisant que pour les soldats du RCD-N, cet acte pourrait leur apporter « des pouvoirs » en raison de l’origine pygmées.
A Epulu, Mambasa, Mandima, Isiro des crimes d’une extrême violence ont été perpétrés. Plus de 20 ans après, des communautés portent encore le poids de ces horreurs dont les traumatismes psychologiques demeurent persistants.
Au regard de ces souffrance, les avocats des parties civiles ont rappelé que le mouvement de Lumbala était plus « sanguinaire que révolutionnaire et qu’il est devenu ministre grâce au sang versé et non à son verbe. » Ce procès est donc aussi un moyen de "ralentir la gangrène de l’impunité et enfin rendre justice aux victimes" affirme Maître Tulliez.
Enfin, Maître Deniau a d’ailleurs rappelé l’importance de se focaliser sur la nécessité de garantir, en priorité les principes de justice et de non répétition, avant de pouvoir se concentrer sur l’indemnisation comme c’est le cas du Fonarev en RDC. Car sans une réelle justice, le cycle de l'impunité restera une norme et la dignité des victimes sera bafouée.